Arrivée crépusculaire

Partir de chez soi n'est jamais facile. Il faut abandonner les bons côtés obligatoirement pour abandonner les mauvais. Même si, pour Alex, il y avait beaucoup de mauvais côtés, il savait que les rares bonnes choses qu'il y avait chez lui, lui manqueraient. En première ligne, il y avait le lieu : pour beaucoup, la forêt noire est hostile et sans beauté, mais Alex adorait y passer ses journées. La forêt était une alternative à sa chambre, qui devenait étouffante à force. C'était aussi le seul endroit où il pouvait rencontrer ses amis, sans que la clique de domestiques ne le critiquent. « Vous savez Monsieur, je ne pense pas que ces habits plaisent à vos parents », ou alors, « Je ne pense pas que ces gens plaisent à vos parents ». Toujours eux, la bande de bourgeois coincé qui lui servait de famille. Des ordres, aboyer sans réfléchir, toujours des ordres. Son père était autoritaire et égoïste. Sa mère était grasse, hystérique, avide, et de surcroît, elle était dépourvu d'intelligence. Mais attention, pas l'intelligence d'Einstein ! Ça, elle en savait des choses. Comment gérer une entreprise, comment faire pour relancer une économie de type 5 dans une société de type 12... Mais elle n'a jamais su aimer sa progéniture, elle détestait profondément les habitant de l'hémisphère Sud, et elle n'avait jamais su comprendre les choses qui se passaient dans la tête d'Alex. Lui avait été élevé par une série de précepteur incompétent qui n'avait jamais vraiment enseigné quelques choses d'utiles. De même pour ses frères et soeurs, qui n'ont jamais dérapés de la belle piste snobe et bourgeoise...

Alex s'était souvent demandé s'il appartenait vraiment à cette famille. Les différences étaient trop présentes ! Eux aimaient le vin, les belles voitures, les soirées mondaines, l'argent... . Lui adulait la bière, respirait la fumée de cigarette, admirait les poubelles à quatre vitesses et détestait le caviar. Hélas, la ressemblance entre lui et son paternel, au sens physique du terme, était assez évidente : une longue tache de vin qui partait de derrière leurs oreilles, et descendait le long de sa joue, jusqu'aux bas de sa mâchoire. Il avait pré des centaines de fois pour ne pas appartenir à cette famille. Il la détestait, il les détestait tous...

Il avait pris le bus dans la vallée, Jusque là le voyage s'était bien passé : le trajet en avion fut rapide et sans histoire. Il parlait très bien japonnais, d'ailleurs, ce n'était pas son premier séjour au Japon. Même avec un fort accent germanique, il se faisait comprendre facilement. En plus, c'était un pays qu'il appréciait particulièrement. La simplicité du peuple l'étonnait, et il admirait l'histoire, la culture, le patrimoine. C'était comme une nouvelle vie pour lui, toute sa jeunesse il avait rêver de quitter le manoir, voire même de quitter l'Allemagne. C'était chose faite. Pour longtemps, il l'espérait, c'était presque trop beau. Ici personne ne connaissait sa valeur en Euro, ni sa famille avare et distante. Ici il était comme les autres. Ici ses seules possessions étaient ce qu'il y avait dans son sac, c'est à dire quelques CD, son baladeur, un haricot planté dans un petit pot, quelques bouquins et rares affaires vestimentaires.

Une fois sorti du bus, il se dirigea vers l'entrée de l'école. Une fois à l'intérieur de la cour, il s'arrêta un moment pour regarder... le rien. De la neige, c'est tout ce qu'il y avait ici. Alex regarda sa montre. 22H32. Tout s'expliquait... Il sortit une cigarette de sa manche, comme s'il sortait un poignard. Son briquet, en sortant, lui échappa et s'enfonça dans la neige, laissant une trace noire. Comme un soldat blessé, il regarda le briquet dans la neige. Malheur, pas de flamme. Il s'énerva, il déchaîna la force de son pouce sur la roulette.
« Naaan »
La pierre s'envola, le destin s'acharnait. Comme un pied de nez, histoire de dire ''Bienvenue, mais ici tu n'as pas la liberté de fumer''. Le vent froid balayait la cour, il se décida à bouger...

[ J'espère, que tu acceptes de rp avec moi ^^ ]

Et pourtant, Majoren ne pensait pas comme tout le monde. Elle, pensait que partir de chez soi était une chose des plus simples, si ce n'était la meilleure chose au monde. Enfin, la mentalité de Majoren n'était pas franchement répendue. Normal, elle était certainement la seule à penser comme ça. Pour elle, les seules choses valables et non futiles dans la vie étaient : la musique, la clope, et l'alcool. Non, pas alcoolique, non, pas grosse fumeuse, juste petite rebelle en puissance. Une rebelle certes, mais une rebelle seule. Ils n'étaient que très peu dans cette école, et son caractère n'améliorait pas les choses. Majoren était devenue un peu l'éminence grise de l'internat, mais personne ne lui avait jamais parlé. Oh, elle savait parler, très bien même, mais elle était, comment dire, trop indifférente, ou trop insupportable par son air blasée, ce qui en avait découragé plus d'un. Surtout la nuit et, malheur, il faisait nuit. C'était son "élément", la nuit. Elle ne dormait jamais la nuit, et partait toujours vadrouiller un peu partout, et, ce soir là, c'était bien la cour de l'école qu'elle avait choisi.

Alors nous retrouvons donc la brunette, toujours aussi décoiffée, toujours aussi sombrement habillée, d'un long jean baggy customisé, et d'un débardeur noir, par dessus lequel elle avait enfilé un simple gilet noir. Elle n'était pas frileuse la petite. Enfin, petite, heureusement qu'elle m'entend pas, parce que, petite, elle ne l'était que d'apparence, mais au plus profond d'elle même, elle était plus âgée que cela. Bien plus, même, elle avait la mentalité d'un adulte, au fond, bien que perturbé, un adulte quand même. Elle pensait ainsi, et c'était tout. Et là, mettant un pied devant l'autre, ce n'était pas un moment pour penser. Le Mp3 dans les oreilles, la clope au bec, elle avançait. Et elle le vit. Le nouveau, l'un des rares nouveaux qui s'aventuraient dans cette école. Bien sûr, ils étaient vite découragés de se faire une place, à cause d'elle, évidemment. Mais elle ne culpabilisait pas pour autant la jeune fille. Peut être qu'aujourd'hui elle allait encore en décourager un. Elle s'avança vers le jeune homme et lui dit tout simplement.

- Tu t'en sors ?

Et comme toute fumeuse avertie, elle sortit son briquet, le seul, l'unique, celui qui l'avait accompagnée dans toutes les situations, tous les lieux qu'elle avait visités, quoiqu'ils n'étaient pas nombreux. Elle le lui tendit. C'était eut être l'un des seuls briquet qui s'allumaient en toutes circonstances, et même dans l'internat, où, pourtant, il soufflait un sacré vent glacé. D'ailleurs, il n'attendit le déluge pour se faire remarquer, ce vent. Et Majoren avait eu le malheur de penser qu'il ne ferait pas aussi froid... Elle n'avait pas pris la précaution de prendre sa longue veste noire. Tant pis, comme d'habitude, elle se gèlerait, mais ne tomberait pas malade. Comme d'habitude... Et bien sûr, elle ne montrerait pas qu'elle avait froid. Mais, de toutes façons, elle ne montrait jamais rien, ni la tristesse, ni la joie, juste une simple indifférence. Il e fallait pas lui en vouloir, ce n'était qu'une sorte de conditionnement qu'elle c'était appliquée à elle même. La demoiselle ferma son gilet, afin qu'il ne virevolte plus au vent, découvrand sa maigreur presque impensable. Eh oui, elle n'était pas comme toutes ces ados aux corps parfait, elle avait un corps d'anorexique rongée par le malheur ...

Le sauveur sortait de derrière les flocons. Le contraste noir / blanc était presque déconcertant. Alex ne jugeait jamais les gens à la suite d’une observation vestimentaire. La raison étant, que lui avec son jean troué aux genoux et le reste troué n’importe où, il avait l’air de sortir de derrière les fagots… Quel était le meilleur ? Flocons ou fagots. Question sans grand intérêt, surtout que le sauveur est en fait une sauveuse. Certes la visibilité était assez réduite, mais Alex se vexa lui-même de ne pas avoir pu identifier correctement la première personne qu’il rencontra dans cette école. Il ne l’avait pas vraiment regardé… Il avait vu d’abord le briquet devant ses yeux, puis la nuance sombre posée sur le manteau blanchâtre de la neige.

« J’m’ en sors toujours, pas toujours tous seul, mais je fais avec. »

La flamme jaune sortit de l’orifice, et sans pensées, Alex y précipita l’extrémité de sa cigarette, où une stalactite aurait pu se former tellement le vent était froid. Une fois celle-ci allumée, et une fois que la fumée fut entrée dans ses poumons, il tendit le bras pour rendre le briquet à la jeune fille, tout de noir vêtue. La chaleur plus ou moins forte balaya le froid de sa bouche et la triste odeur du tabac s’y logea. Il avait la peau dure, le froid provoqué par le vent violent ne le faisait pas frissonner, mais il sentait tout de même de nombreux picotements. La fumée circulant dans sa trachée lui donnait une satisfaction intérieure incroyable. Il sentait sa pression diminuer, il sentait ses épaules se décrisper, ses dents se desserrer légèrement. Cette fumée avait été sa seule amie pendant de nombreuses et de longues soirées. Il passait des heures à savourer une cigarette comme l’on savoure un massage ou un baiser. Souvent il se posait cette question : et ma santé ? Pfff . Peu importe. Tout le monde avait un côté masochiste, et chez Alex, ce côté se manifestait par sa consommation de tabac.

« Mademoiselle, vous avez dès lors toute ma reconnaissance. Merci j’ai cru mourir. J’m’ appelle Alex, à tes services. »

Il marqua une pause avant de se présenter. Il voulait observer la réaction de sa sauveuse. Un dépannage de briquet pouvait paraître banal, mais c’était un sauvetage de première catégorie chez un adolescent fumeur moyen. Les cendres s’envolaient presque instantanément à cause du vent, de plus en plus violent. Le blizzard déjà ? Pourquoi pas. Alex connaissait bien la pluie, mais en Europe, la neige devenait de plus en plus rare.

Majoren trouvait bien sûr ce jeune homme tout à fait ...étrange, pour ne pas dire bizarre. Elle récupéra son briquet, l'air ailleurs, jetant un coup d'oeil distrait autour d'elle. Toujours pas un chat, ça commençait à devenir lassant. Autant dans son ancien internat, il y avait pas mal de monde, et elle pouvait s'exaspérer de la bêtise de certaines filles poupées barbie, autant maintenant, elle trouvait ce lieu ennuyeux. Une école paumée dans la montagne, c'était vraiment pas la meilleure solution, enfin bon. Elle n'avait pas vraiment choisi. Et puis, heureusement, elle avait pris pas mal de réserves de clopes et d'alcool, donc elle survivrait. Il ne serait de toute façon pas difficile de s'échapper quelques heures de l'internat pour aller s'acheter quelques ressources de survie...

La façon de parler du jeune homme était elle aussi tout à fait étrange. Un coup il la vouvoyait, un coup il la tutoyait, et , en plus, il parlait comme un bourgeois. La jeune fille n'était pas habituée à tant de courtoisie. Quand on voit le milieu dans lequel elle avait grandi, on s'en doute bien. Quelqu'un qui l'appelait "Mademoiselle" et non pas "poulette" ou "poupée" et encore, je ne donne que les plus sympathique, c'était quasiment inexistant. Aussi, pendant quelques secondes, Majoren se crispa, resta immobile, son regard apeuré fixé sur le jeune homme, puis, elle revint à elle. Pire qu'on conditionnement cette foutue peur du contact. Il ne l'avait même pas touchée, et elle avait déjà peur. Et elle ne changerait décidément jamais. Enfin , peut être un jour, mais il lui faudrait un énorme choc émotionnel pour cela, et ce ne serait pas tout de suite que ça arriverait, ce genre de choses.

- Hébin, je pensais pas être aussi indispensable à quelqu'un. Enfin, c'est tout juste intéressé...

Elle fit une courte pause de quelques secondes. Puis le jeune homme se présenta. Alex, Alex, un prénom courant. Ce n'était pas le genre de nom qui en disait long sur la personnalité des gens. Quoique, Majoren non plus. Pourtant, Majoren était plus rassurée quand elle pouvait entrevoir ne cerais-ce qu'un peu la personnalité des gens qu'elle rencontrait. Elle était donc à présent mal à l'aise. Elle n'avait pas l'habitude. Et puis, ces manières qu'il avait, elle avait du mal à deviner comment il était vraiment. Tout le monde avait une part de mauvais en soi, et elle la voyait souvent au premier regard. Peut être, la neige, peut être cette crispation qui s'emparait d'elle, ces deux choses qui l'empêchaient de le voir chez Alex. Enfin, elle verrait bien assez tôt comment il était.

- Ah ouais, au fait, je m'appelle Majoren, si ça t'intéresse...

* Mais ça m'étonnerait quand même* Ajouta-t-elle mentalement.

La plupart des personnes qu'elle rencontrait se fichaient totalement de son nom, ni même de son âge, ou encore de ses hobbies. Mais elle ne tenait pas tant que cela à partager ses centres d'intérêt avec toutes les personnes qu'elle croisait. Tout d'abord, elle n'en avait pas de très intéressants, puis, on lui disait si souvent de la fermer ... La seule fois où elle avait tenu une discussion de plus de cinq minutes, c'étai tpour parler de clopes avec un buraliste, et encore, elle était bourrée, c'est pour dire. Et à présent, Majoren avait l'impression de venir d'un univers totalement opposé à celui de ce jeune homme, Alex. Certains disent que les opposés s'attirent, d'autre non, mais Majoren n'espérait rien du tout. Elle savait qu'elle n'avait pas l'air sympathique et qu'elle n'attirait pas forcément l'amitié des gens, et elle s'en fichait pas mal. QUoique, elle aurait bien aimé ne pas se faire hair d'un nouveau.

Et comment ! Bon Alex n’avait peut-être pas la tête d’un bisounours, mais il possédait tout de même un certain sens de sociabilité. Il avait grandi malgré lui dans un monde où les relations étaient primordiales et il avait maintes et maintes fois entendu les formules de politesse totalement tordues des bureaucrates hypocrites, mais ça n’altérait en rien son goût primaire pour le relationnel. De plus, il ne tenait pas à être désagréable son premier jour ici. Il fallait qu’il soit flatteur et naïf à la fois, du moins il fallait qu’il en donne l’impression. Il devait se plier aux autres, et le moment venu, quand il serait bien intégré au paysage, il pourrait alors mettre du sel dans la soupe… métaphoriquement parlant bien sur.

Cette école ne semblait pas trop sauvage. Elle était paumée, certes, mais elle possédait un certain charme. Balayée par l’air pur, inondée par le soleil, c’était presque nirvanesque. En plus, la neige ça recouvre tout. C’est froid, c’est mouillé, mais ça permet de dissimuler certaines choses. En outre, les éventuelles conneries qu’Alex pourrait commettre ici. Il n’avait rien en tête, mais il faut toujours être prévoyant. Toujours avoir une longueur d’avance sur soi-même… Sans devenir totalement paranoïaque bien sur… . Alex se faisait confiance, une fois n’est pas coutume, sur ce point. Mais c’est plutôt les autres qui pourraient devenir paranos… Cette jeune fille par exemple, Majoren puisqu’elle venait de se présenter, elle avait prêté main forte à Alex parce que elle ressentait certainement la compassion pour ce nouveau qu’il est. Et puis de la même façon que lui, elle n’avait certainement pas envie de se faire un ennemi, ou du moins de rester indifférente. Mais dans un avenir proche, elle pourrait peut-être le détester, pour je ne sais quelles raisons, minimes ou démesurées. Tout cela, toutes ces inconnues dans l’équation de son avenir lui donnaient une chair de poule, à la fois effrayante et excitante. Et il aimait ça, avoir peur.

Mais pour l’instant, il fallait se préoccuper du présent, et de conforter sa stratégie d’intégration. Les présentations étaient faites, et l’épaisse fumée bleue de sa cigarette venait de cesser.

- Dis tu saurais pas où j’peux m’en acheter un briquet tout neuf ? Parce que ça risque d’être tendu si i’ faut que j’t’appelle à chaque fois que je veux cloper… .

Exact. Surtout qu’Alex était une vraie cheminée. Et puis de toute façon son paquet était presque vide, un petit saut chez un buraliste s’imposait. Mais avant il devait songer à poser ses affaires. Elles n’étaient pas nombreuses, un sac à dos classique, et un sac à dos plus gros et plus lourd, mais elles étaient encombrantes. Une fois qu’il se serait débarrassé de tout ça, il se sentirait déjà un peu plus … libre.

Non seulement ça risquait d'être tendu, comme il le disait si bien, et en plus ça aurait vite fait de gonfler Majoren. Ok, dans ses jours de bonne humeur, elle pouvait être généreuse et limite sociable, mais fallait pas abuser non plus. Si elle était à l'envers un jour, elle pouvait devenir violente facilement où même se mettre à mal parler au moindre service qu'on lui demandait. Mais pour l'instant, elle se contentait de rester froide, et de se montrer sous sa plus mauvaise face, celle de la frigidité.

Enfin, Majoren espérait que le "nouveau", Alex de son prénom; ne pensait pas qu'elle éprouvait une quelconque habituelle compassion envers les nouveaux. Sans doute avait-elle trop bu ce jour là, ou alors elle se sentait étrangement bien, peut être le charme naturel de dame neige, mais elle n'avait rien ressenti de particulier qui aurait pu la pousser à aider Alex. C'était aussi peut être qu'elle s'ennuyait à crever dans cet internat vide, et que, par conséquent, elle avait décidé de se divertir, ou du moins de passer le temps en discutant de tout et de rien, et surtout de choses inutiles avec un nouveau. Ce n'était pas si souvent qu'on en voyait, des nouveaux, alors elle pouvait profiter. Oh pas du nouveau, ça non, mais tout simplement de la fausse naïveté qu'il semblait afficher. Oui, Majoren connaissait bien la race humaine, tous ses défauts, toutes ses qualités, plus particulièrement le comportement du côté mâle. Alors quelqu'un qui jouait la carte de la naïveté, ou de moins de la fausse naïveté ne passait pas inaperçu devant-elle. Majoren avait passé tellement de temps à observer, sans rien dire, tout simplement à examiner tous les faits et gestes des personnes qu'elle voyait, ou du moins qu'elle était obligée de voir dans son ancien internant, et même au collège et à l'école primaire qu'elle avait appris à reconnaitre le comportement de certains. Oui, depuis l'école primaire, Majoren n'avait jamais changé, elle avait toujours été aussi frigide et asociable. Comme quoi, les habitudes ne se changent pas si facilement.

- Un briquet neuf ? Oh tu sais, je visite pas trop les magasins, jusqu'à présent, je n'ai pas eu besoin de le changer, le mien. Oh, je pense que dans les petites boutiques du village d'en dessous il doit y en avoir un.

Majoren n'était pas vraiment allée " faire les boutiques". Tout d'abord parce que ce n'était pas franchement son dada, et puis, même si elle préférait la liberté des rues et des ruelles sombres, le vide de l'internat lui plaisait plus, tout simplement parce que l'internat en question était plus vide que les ruelles elles mêmes. Ouais, pas un chat dans ce pensionnat. Mais ce n'était que le début, il venait à peine d'ouvrir, alors elle ne pensait pas que ça allait durer des années comme ça. Elle n'espérait rien du tout, mais tout de même, ce serait bête qu'elle aie à changer d'internat au bout d'un an. Certes, elle avait du changer d'internat récemment, mais elle n'avait pas vraiment eu le choix.

- Au moins je serais pas la seule à me faire passer un savon parce que je "pollue l'atmosphère de la cour de récréation" hein ? On risque de transformer les profs en fumeurs passifs de première classe... Mais à la limite je m'en fous pas mal.

Majoren ne savait pas trop pourquoi elle disait tout cela. Sans doute pour déverser une petite, infime partie du fiel qu'elle avait en elle, toute cette haine du monde qui l'entourait. Mais ce n'était qu'une infime partie, car tout ce qu'elle contenait en elle, toute cette colère, c'était bien plus que cela ...

Alex avait une seule certitude, la première élève qu'il avait rencontrée dans cette école était une forte tête. Il ne jugeait pas les gens qu'il rencontrait sur leurs apparences, car il avait trop subit ce genre de jugement. "Ne fais à personne ce que tu ne veux pas qu'on te fasse", il essayait de respecter cette règle. Mais il avait remarqué plusieurs choses. D'abord, cette Majoren avait un sérieux attrait pour le tabac. C'était son droit, d'ailleurs, Alex ne s'en privait pas non plus. Mais il était persuadé que cette consommation cachait quelques choses, car une consommation de tabac cache toujours quelques choses. Une gêne, un problème, un manque à combler, qui pouvait être aussi bien un manque d'affection qu'un manque de personnalité..., toutes les personnes qui fumaient cherchaient à dissimuler quelques choses, il en était convaincu. Il avait eu le temps d'y penser, d'y réfléchir : lui-même était conscient qu'il fumait uniquement à cause de sa solitude. Il avait des amis, mais il lui avait manqué une famille aimante... . Au début, il croyait que ça avait un rapport avec le fait qu'il voulait se démarquer des autres, de se faire sa propre identité... mais non, car il en avait une d'identité, et il y tenait.

Majoren cachait quelques choses, comme lui, et il avait le sentiment que ce n'était pas un truc bénin. Dans ses dernières paroles, il ressentit une force, pleine de haine. Même si les propos étaient assez honorables. Elle faisait preuve de gentillesse, elle était serviable, et puis elle n'avait pas l'air coincée dans son monde, bien au contraire. A cause de ça, il décida d'oublier ce qu'il avait pensé plus tôt, et de faire abstraction de cette haine. Après tout il n'était pas ici pour faire de la psychanalyse, mais il était certain qu'il découvrirait dans plus ou moins longtemps ce qui se cachait derrière son interlocutrice.

- Quoi c'est interdit de fumer ici ?

Oups. Il en avait fait peu être un peu trop. Il savait être naïf, mais il dépassait parfois les limites de la crédibilité. Un faux pas qui pourrait lui coûter cher. Elle pourrait d'un coup se méfier, et puis rester distante. Comme la plupart des gens faisaient... A croire qu'il était totalement paranoïaque. Ça la hantait. Il avait peur qu'on se méfie de lui, mais lui se méfiait de tout. C'était presque invivable. Mais il s'en sortait grâce à des situation comme celle-ci, où il pouvait se rendre compte de ses bêtises, et ne plus les refaire. Du moins essayer...

[HRP : Plus j'avance et plus je vois que mes posts sont de plus en plus courts... j'men excuse :/ ]

[ Vraiment désolée pour le retard Embarassed

]

Majoren regardait tout ce qui l'entourait d'un air totalement absent. Des bancs, des arbres, à quoi bon ? Personne ne venait jamais. Et puis presque personne ne s'asseyait, c'était de l'argent qui n'irait pas vers ce qui pourrait vraiment servir. Enfin Majoren ne gérait pas l'intendence, et elle ne s'occupait de rien ici, encore heureux d'ailleurs, et elle n'avait donc pas à s'inquiéter. Enfin, s'inquiéter, voilà un bien grand mot, surtout se plaindre en silence. C'est d'ailleurs ce qu'elle avait toujours fait, et elle ne s'en privait pas. De toutes façons, qui s'en soucierait, de ce qu'elle pensait ? Certainement personne. Elle était quasiment seule dans cet internat, a part quelques suicidaires ou sado-mazos qui étaient là pour souffrir du froid, qu'elle même ne craignait pas tant que cela. Le peu de personnes qu'elle avait rencontré étaient assez étranges de toute manière. Enfin, c'était elle qui était étrange, et pas les autres, mais elle trouvait tout de même bizarre toute cette joie de vivre. Enfin, cet Alex, lui, n'avait pas l'air tellement heureux, au moins quelqu'un qui voyait peut être comme ce pauvre monde tournait mal. Pas étonnant que Majoren ne s'occupe que d'elle après ...

- Interdit de fumer ? Je ne crois pas, mais pas mal de profs font des remarques assez "chiantes" si je puis dire, j'ai souvent droit à des " fumer tue" alors bon ... Et puis pendant les cours, c'est quand même interdit, histoire de pas faire augmenter le taux de tabagisme passif à nous tous seuls.

Sauf que bon, la plupart des personnes ici fumaient, ou du moins sentaient le tabac-a qui la faute ?-ce qui pouvait faire douter. Mais Majoren ne s'en sentait pas du tout coupable, ce n'était pas du tout son problème. Ils avaient qu'à mettre des masques si ça les gênaient ! Et elle, elle serait tranquille, ce qui revient à dire que plus personne ne subirait ses soupirs et son sommeil apparent et pourtant si mensonger.

La jeune fille ferma fortement les yeux un instant, puis les rouvrit. Elle n'avait plus dormi depuis un certain temps, et était victime quelques fois d'étourdissements. Ce n'était pas bien grave, elle avait l'habitude, mais c'était toujours désagréable d'autant plus si ça arrivait pendant une discussion. Quoique elle n'était pas très fournie cette discussion, mais Majoren avait-elle eu un jour une duscussion intéressante, ou du moins dans laquelle elle s'impliquait , avec quelqu'un ? Sans doute jamais, c'était toujours pour " meubler l'espase sonore" et surtout ne pas mettre son interlocuteur mal à l'aise qu'elle parlait, et aussi pour ne pas devenir totalement muette au bout d'un certain temps. Elle était mal à l'aise avec les gens, c'étiat son problème de toute façons, qui est ce que ca pouvait bien inquiéter ? Même pas elle...